Le marketing d’influence est au cœur des stratégies de communication des entreprises d’aujourd’hui. Celui-ci se définit comme une stratégie de communication visant une audience spécifique au sein de la communauté d’une personne influente sur le web, dénommée influenceur. Les médias digitaux utilisés par les influenceurs sont principalement un blog ou un réseau social, comme Instagram ou Twitter. Cette démarche s’est démocratisée, depuis plusieurs années, grâce à l’essor des réseaux sociaux. Dès lors, le marketing d’influence est devenu un levier de communication incontournable pour les marques.
Une marque peut librement user du marketing d’influence, principe qui découle de la liberté de commerce et de l’industrie. Toutefois, l’influence est une notion dont les contours sont juridiquement flous en raison de son émergence très récente et innovante. Elle est à la frontière de secteurs plus réglementés comme la publicité. Comment mettre en place un marketing d’influence sans tomber dans la publicité “cachée” ?
Table des matières
Quels sont les enjeux du marketing d’influence ?
Cette stratégie accompagne les marques dans leurs campagnes de communication avec pour objectifs l’augmentation de leur audience et de leur visibilité et in fine, des ventes.
Quelle est la qualification juridique du marketing de l’influence ?
Le bornage de l’influence est difficile, il se situe au croisement de la publicité, de l’information et de la communication, dont l’encadrement juridique a été strictement délimité.
Une information ?
L’information peut être définie comme l’action de renseigner un individu ou un groupe de personnes sur un sujet. Traditionnellement, la presse est le support de diffusion massive de l’information. En raison de l’accroissement des nouvelles technologies, Internet s’est révélé comme le nouveau média de prédilection et plus particulièrement, les réseaux sociaux comme Youtube ou Instagram.
Une communication ?
La communication désigne l’ensemble des interactions avec autrui permettant de transmettre une information ou une mise en relation via un support de communication.
Une publicité ?
La publicité ou communément appelée “pub” désigne, quant à elle, un ensemble de moyens attractifs visant à faire connaître une marque et à inciter le consommateur à acheter ses produits ou services. “Sa raison d’être est exclusivement commerciale » selon l’étude relatif à la publicité et les français de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), de l’Institut de Recherches et d’Études Publicitaires (IREP) et de l’entreprise de sondages française de marketing d’opinion internationale dénommée l’IPSOS. Juridiquement, les juges définissent la publicité comme un “moyen d’information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés” (Cass. com., 6 mai 2008 n°04-19.713). Elle peut être protégée par la liberté d’expression tout en respectant les normes internes et européennes.
Toutefois, elle s’accompagne d’impératifs déontologiques ainsi que de normes législatives et réglementaires. Le message publicitaire ne peut s’affranchir de certaines limites. Il est donc primordial de connaître les obligations des acteurs du marketing d’influence.
En somme, le marketing d’influence peut être juridiquement qualifié de communication ou de publicité tout dépendra de son identification.
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Quels sont les critères d’identification ?
Selon la Recommandation communication publicitaire digital de l’ARPP, le contenu sera qualifié de publicitaire si trois critères sont réunis :
- L’influenceur partage du contenu en faveur d’une marque ou d’un produit en échange d’une rémunération ou contrepartie. Il s’agit d’engagements réciproques ;
- La marque ou ses représentants doivent avoir un contrôle éditorial prépondérant du contenu et doivent ainsi valider ce dernier, avant sa publication ;
- L’influenceur a une obligation de publication de contenu dont le but est de promouvoir un produit ou service. Cela peut prendre la forme d’une présentation verbale, d’un discours promotionnel, d’un visuel à but promotionnel…
Ainsi, ces critères sont appréciés au cas par cas par les juges. À titre d’illustration, la Cour de cassation a estimé que le message relayé par un internaute, à l’intention de son réseau d’amis Facebook, sera qualifié de publicité (Cass. 1re civ., 3 juillet 2013, n°12-22.633).
Quel comportement adopter ?
En cas d’identification publicitaire, il faudra l’identifier comme tel à l’aide de formulations comme “en partenariat avec”, “#sponsorisé par”,“publicité”… Le “#Ads” ou “#Pub” n’est pas suffisant. Il faut que le message soit visible et / ou audible, clair et compréhensible par tous, quel que soit le média utilisé. Par exemple, s’il s’agit d’une vidéo sur Youtube, la marque devra précéder à l’identification du caractère publicitaire dans la vidéo elle-même. En outre, son identification doit être instantanée en vertu de l’article 9 du Code de la Chambre de commerce international. En ce sens, l’internaute ne doit pas avoir à cliquer ou rediriger sur une autre page afin de connaître sa nature publicitaire ou non. En fonction de son caractère publicitaire ou non, les entreprises devront adopter certaines mesures afin de respecter les obligations à cet égard.
Que dit la loi ?
Le législateur impose des normes juridiques aux acteurs du marketing d’influence afin d’assurer la transparence et la loyauté des contenus :
- La loi du 3 juillet 2008 pour la confiance en l’économie numérique impose aux marques de rendre accessible via un service de communication au public, toutes les publicités clairement identifiées comme telle ;
- Les opérateurs de plateformes en ligne doivent faire apparaître distinctement “l’information selon laquelle son classement a été influencé par l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération” entre la marque et l’influenceur (article D.111-7-I du Code de la consommation) ;
- Une pratique commerciale est qualifiée de trompeuse si le professionnel l’utilise de façon à omettre, dissimuler ou fournir de façon inintelligible ou ambiguë sa véritable intention commerciale (article L.121-3 du Code de la consommation) ;
- L’article L.121-4 du Code de la consommation donne une liste exhaustive de comportements qualifiés de pratiques commerciales trompeuses comme celle prévu à l’alinéa 11 : “utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit ou d’un service alors que le professionnel a financé celle-ci même sans, l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur”. Selon Emmanuel Durieux, professeur en droit des médias, “relèvent des médias toutes les activités, qui au moyen de l’écrit, de la parole, de l’image, du son ou de toute autre forme de signes, contribuent, par quelque vecteur ou support que ce soit, à rendre publics des faits, des données, des idées, des connaissances, des sentiments, des opinions…”.
Ainsi, pour mettre en place un marketing d’influence loyale et transparent, chaque message publicitaire doit être identifié comme tel, lisible, intelligible et ne doit pas être susceptible d’induire en erreur le consommateur. Dans le cas contraire, cela pourrait s’apparenter à de la “publicité cachée”.
Quelles sont les conséquences de la violation des règles du marketing d’influence ?
Quelles sont les sanctions ?
L’arsenal juridique punit la publicité trompeuse ainsi que la concurrence déloyale.
➝ Publicité trompeuse
- Pour les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L.121-4 du Code de la consommation, le juge peut prononcer des sanctions pécuniaires et des peines d’emprisonnement. Ces pratiques sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300.000 euros et même, porté jusqu’à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit (article 132-2 du Code de la consommation) ;
- En sus, le juge peut ordonner la publication du jugement en cause, sur le site de la marque condamnée, pour une durée déterminée. En pratique, cela a une incidence sur la confiance des consommateurs envers la marque, dès lors sa réputation est amoindrie et les ventes peuvent s’en ressentir.
➝ Concurrence déloyale
- Une société ayant recours à des pratiques commerciales trompeuses telles que la publicité trompeuse pourra être sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale (Cass. Com. 12 février 2020, n°17-31.614). En effet, en s’affranchissant d’une réglementation en vigueur, une marque obtient indûment un avantage concurrentiel dont les effets peuvent avoir une incidence sur la concurrence ainsi que sur le consommateur ;
- Le juge peut ordonner le versement de dommages et intérêts d’un montant évalué souverainement en fonction du préjudice patrimonial subi par un acteur lésée, au titre de la responsabilité extra-contractuelle sur le fondement de l’article 1240 et 1241 du Code civil. Ce préjudice patrimonial correspond généralement au manque à gagner ou à la perte subie par ce dernier ;
- Le juge peut aussi allouer des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice moral comme l’atteinte à la notoriété de la marque ou l’atteinte à l’image de l’entreprise ;
- Enfin, le juge pourra ordonner la publication du jugement tel que précédemment exposé.
Qui contrôle le non-respect des règles ?
En matière de marketing d’influence, plusieurs acteurs seront amenés à contrôler ces contenus. Il s’agit principalement des juges, de la Direction générale de la concurrence de la consommation et répression des fraudes (DGCCRF), l’ARPP ainsi que le Jury de déontologie publicitaire (JDP) . Depuis 2015, les Youtubeurs sont dans le collimateur de la DGCCRF en raison de “publicités cachées”.
Marketing d’influence : les bonnes pratiques juridiques
Le marketing d’influence est fondé sur le Data marketing et sur l’authenticité des avis des utilisateurs.
L’authenticité se réfère à l’exactitude, un fait dont l’origine est indubitable et d’une totale sincérité. Toutefois, on peut se demander si une campagne marketing basée sur de l’influence sponsorisée peut être qualifiée d’authentique dès lors que la marque paye l’influenceur pour promouvoir son contenu… Ainsi, il est préférable de ne pas sponsoriser les avis des influenceurs afin de préserver une image authentique de sa marque. Il est conseillé d’utiliser des outils permettant de collecter des avis émis par les consommateurs et micro / nano influenceurs. Ces derniers ont un taux d’engagement élevé, contrairement à la plupart des macro influenceurs qui ont certes un reach élevé, grâce à un nombre de followers ou d’abonnés dépassant plusieurs millions, mais ils ont un taux d’engagement bien plus faible.
Il est conseillé de suivre les recommandations et avis de l’ARPP, du JDP, du Conseil Paritaire de la Publicité (CPP) ou encore du Conseil de l’Éthique Publicitaire (CEP), ce sont les guides des bonnes pratiques à suivre pour les marques.
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